Chapitre C4: Deuxième étape de la modélisation
- essai sur les sources et les difficultés de la modélisation pluridisciplinaire de l'explication-
La surface et l'éclectisme de mon incursion bibliographique à la recherche des descriptions de l'explication, ainsi que le mécanisme de discours de ma thèse, m'empêchent de faire ici l'habituelle revue de la littérature, ouvrage par ouvrage, idée par idée. Un récit de lecture complet occuperait trop d'espace. Je ne peux que présenter un survol. En choisissant l'expression de mes impressions globales, je suis conscient que mes considérations peuvent ne pas s'appliquer à certains ouvrages… surtout à ceux que je n'ai pas dépouillé. Je n'ai pas l'ambition d'être exhaustif ou d'avoir toujours raison. Mon récit de méditation bibliographique suppose cette fragilité dans l'espoir que ma sincérité sera raisonnablement pertinente.
J'ai commencé la lecture par des ouvrages en technologie de l'éducation. Malheureusement, en dépit des efforts de ceux qui essayaient de définir ce jeune domaine comme un exemple d'ingénierie, je ne réussissais pas à en repérer des manifestations typiques. Il n'était pas facile de découvrir la science qui était le fondement de l'ingénierie de l'éducation (de la même façon que l'ingénierie de la télévision se base sur la science de l'électronique et des télécommunications etc.). Les quelques ouvrages qui se déclaraient tributaires de la théorie de l'optimisation des systèmes ne réussissaient pas à me convaincre que cette filiation était plus que symbolique, car ils contenaient plutôt des schémas d'organisation empiriques que des démarches déductives rigoureuses. Dans la majorité des cas, les technologues de l'éducation se rapportaient uniquement aux sciences de l'éducation, faisaient appel à ses modèles, à ses stratégies et à ses paradigmes. C'était, pour moi, un peu étrange. La pédagogie, une macro-théorie conçue pour des enseignants et des auteurs, me semblait insuffisante comme fondement d'une ingénierie de conception d'instruments et de systèmes d'assistance explicative. L'optimisation systémique demandait des études solides de la théorie des systèmes physiques, complétée par une théorie qui adapte ses méthodes au contexte des systèmes explicatifs. La dimension physique et perceptive des messages demandait une étude complexe des processus de compréhension, de communication et de télécommunication. L'étude de rapport bipolaire ou multipolaire réclamait une expertise sur la coopération et la négociation.
J'ai donc été déconcerté par la littérature de la technologie de l'éducation. J'y rencontrais d'une part, une gigantesque collection d'observations intéressantes mais peu structurées, concernant le développement ou l'utilisation des instruments dédiés à l'instruction. D'autre part, j'y trouvais les modèles d'intervention de "l’Instructional Design"… dont je ne saisissais pas très bien la pertinence. Réorganisant dans une multitude de formules les lieux communs de la pédagogie et du "management", ces guides de planification de l'instruction me semblaient dédiés plutôt à aider des technologues à suppléer à une faible expertise (talent) d'enseignants. Des "paradigmes" pédagogiques étaient invoqués comme support théorique pour ces recommandations; cependant la chaîne qui liait les macro-principes des micro-indications me paraissait peu solide.
A mon opinion, pour passer du bricolage à la technologie, il fallait aborder de front les difficultés de l'adaptation des théories de la gestion, de l'optimisation et du développement des systèmes pour le cas de l'instruction. Cela était nécessaire pour définir de façon cohérente des solutions de compromis comme la semi-modélisation, l'analyse qualitative, la modularisation, l'intégration des aspects physiques et sémantiques pour soutenir le dialogue entre les fabricants d'instruments et les utilisateurs, etc.. Au lieu de cette approche, les articles sur la technologie de l'éducation qui visaient ses fondements naviguaient avec passion dans les eaux des débats sur le " behaviourisme " versus le " cognitivisme " versus le " constructivisme "… Le fait de se déclarer " cognitiviste " était plus important pour un théoricien de la technologie de l'éducation que de se déclarer, par exemple, adepte du " synchronisme " ou de " l'asyncronisme ". Cela me faisait percevoir la tendance souterraine vers une interprétation sémantique de l'ingénierie de l'instruction. Il était évident que les théoriciens éludaient le premier mot de la syntagme "technologie de l'éducation" en faveur du dernier. J'avais peur que les praticiens... fassent le contraire.
Je soupçonnais une désynchronisation entre la théorie et la pratique du domaine et une confusion entre l'ingénierie de l'instruction, celle de la fabrication des instruments d'instruction et celle de l'organisation des systèmes d'instruction. Le débat cognitivisme–behaviourisme me créait surtout cette impression. Probablement qu'être cognitiviste était plus commode en théorie qu'en pratique, plus naturel en faisant de l'instruction qu'en s'occupant de l'organisation des systèmes d'instruction. Comment l'ingénieur d'un système si complexe, englobant hommes, objets, concepts et énergies, aurait-il pu adopter avec tant d'enthousiasme une doctrine cognitiviste pure, en n’observant pas le comportement des acteurs? Pourrait-il négliger des relations entre les protagonistes, éluder la topologie et la physiologie du système global, pour se concentrer sur l'univers intérieur de l'apprenant, dans l'espoir d'en extraire les spécifications de design? Un ingénieur de système explicatif anti-behaviouriste ou anti-cognitiviste me semblaient deux non–sens symétriques…
Une autre tendance qui m'intriguait était de couper en deux l'acte de l'explication pour parler des " authoring tools " et des " learning tools " plus que de la communication expert-novice par l'intermédiaire des instruments. J'y voyais la manifestation d'un désir (probablement inconscient) d'expulser l'enseignant et de construire des connaissances à sa place. Obligeant un auteur de concevoir " un bloc de ressources " et un lecteur de construire seul un sens en explorant ce bloc, ne désavantageait-on pas le discours explicatif (cas asynchrone) ou la résonance explicative (cas synchrone). Le constructivisme (cognitivisme) était utilisé comme justification théorique d'une séparation dont le vrai mobile me paraissait plutôt économique. Cela était paradoxal car si l'élève développait son propre arbre interne de savoir, qui pourrait l'aider, sinon celui qui était près de lui pour l'observer ou celui qui lui offrait des discours très cohérents?
Je ne peux pas m’étendre ici sur cette analyse. Dans la bibliographie annexée à la thèse, j'ai organisé les ouvrages liés à la lecture sur la " technologie de l'éducation " en quatre catégories: b7 Instruments explicatifs; modalités et média ; environnements (ouvrages dédiés à la fabrication des instruments d'assistance à l'instruction ); b10 Ingénierie: évaluation, optimisation, reproduction, planification, gestion (ouvrages dédiés à l'organisation efficace de l'instruction et des systèmes instructifs); b11 Applications des systèmes explicatifs des contextes particuliers (ouvrages dédiés à la pratique des systèmes d'instruction placés dans leurs contextes d'application: école, entreprise, éducation à distance etc.); b8 Conception de l'explication: phénomènes, tactiques et techniques (aspects liés à la conception des messages explicatifs, donc à l'ingénierie explicative sémantique ).
Le contact avec cette littérature m'a convaincu qu'elle ne pouvait pas représenter seule un fondement pour mon projet de modélisation. J'ai suivi le problème de " l'ingénierisation " de l'instruction dans toutes le directions qui me paraissaient pertinentes. Pour approfondir l'étude de l'explication comme double processus, physique et cognitif, je me suis lancé dans une multitude de pistes de lecture.
J'ai trouvé beaucoup d'observations intéressantes sur le rituel explicatif dans la littérature pédagogique, mais deux constatations m'ont déterminé à ne pas me limiter à cette piste:
1. La théorie de l'éducation traitait le processus explicatif au niveau des macro-recommandations dont les acteurs humains avaient besoin. Elle ne descendait pas généralement au niveau microscopique, nécessaire pour orienter la développement des nouveaux instruments
2. Mon expérience didactique et celle d'observateur attentif à l'acte explicatif m'avaient permis de comprendre directement la sémantique de l'explication. Les considérations que je trouvais dans la littérature étaient probablement plus importantes pour ceux qui n'avaient pas une expérience pédagogique intense. Bien sûr que des idées comme ceux de Piaget, Vigotski, Gagné, etc. m'ont enrichi, ils ont plutôt renforcés mes convictions d’adopter un paradigme. Je voulais d'ailleurs rester éclectique, car mon but était de comprendre les processus de l'interaction explicative, tenant compte des toutes les variations, y compris celle de la doctrine pédagogique impliquée.
J'ai ainsi dirigé mes lectures en science de l'éducation vers des essais d'analyse micro- phénoménologique ... sans trop de succès. En cherchant dans des bases de données contenant des articles en éducation (comme ERIC), des expressions comme " le processus de l'explication ", " la modélisation de l'explication ", "le phénomène de l'explication ", " l'étude de l'explication " ou même des expressions analogues obtenues en remplaçant le terme " explication " par " instruction " , " discours pédagogique ", etc. je n'ai presque rien trouvé. Je découvrais ainsi que le problème de la micro-description des rituels explicatifs était plutôt abordé par une pléthore de disciplines… que j’ai parcouru avec un mélange de curiosité, de fascination, de plaisir et d'exaspération.
Ainsi j'ai trouvé en épistémologie des débats très intéressants sur le mécanisme justificatif de l'explication, piste d'étude que j'ai complété avec des lectures en logique et en sémiotique. J'ai résumé ma lecture portant sur le savoir dans la bibliographie : B1. Sujet : sens, structure, logique, didactique.
Pour aborder les phénomènes intérieurs de la réception et de l'émission de l'explication, je me suis dirigé vers la psychologie qui m’a renvoyé à la neurophysiologie et aux sciences cognitives. La psychologie organisait un gigantesque ensemble d'observations, d’analyses, d’expériences et de concepts pertinents pour mon problème, mais s'arrêtait (naturellement) aux effets intérieurs. J'observais pourtant avec intérêt l'invasion du monde extérieur dans des pistes d'étude comme la psychologie sociale, interpersonnelle ou du développement. J'ai interprété ces tendances comme des gestes visant la récupération de l'unité.
Pour comprendre les entités et les processus impliqués dans l'explication, j'ai poursuivi avec attention les aspects liés au fonctionnement de la mémoire, de la pensée, de la motivation, de la décision, de l'action, en faisant attention au facteurs extérieurs qui pouvaient les influencer. La psychologie et la neurophysiologie m'ont permis de m'expliquer certaines observations de mon expérience sur les méthodes efficaces d'enseigner. Les études qui m'ont intéressé le plus se concentraient sur le phénomène de la perception: la vue, l'ouïe, l'attention distributive. Ces aspects étaient essentiels pour celui qui cherchait les racines d'une physiologie de l'explication. Je voulais comprendre l'implication du geste d'approfondir un texte, de remplacer un commentaire textuel par une version auditive , d'utiliser une carte pour orienter la compréhension, de présenter deux stimulus en parallèle ou en cascade, ce que les éléments de la sémantique de l'explication n'abordait pas. Je voulais étudier la possibilité d'une assistance cognitive non seulement sur le contenu mais aussi sur la modalité d'un message afin d’aider l'élève à dépasser les difficultés perceptives.
Les sciences cognitives me fournissaient des tentatives très intéressantes de modélisation du phénomène de la compréhension, souvent dans le but d'offrir des outils à l'intelligence artificielle. Ce faisant, elles ont généré des débats importants sur les limites de la simulation et sur le problème de la modélisation des phénomènes cognitifs. J'ai placé dans la bibliographie b2 Cognition: mémoire, apprentissage, raisonnement, perception, savoir les ouvrages de psychologie- neurophysiologie-sciences cognitives qui ont attiré mon attention. Quant au problème de l'intelligence, je l'ai lié à celui de l'adaptation, de la rétroaction, de la métamorphose et de l'évolution , ce qui m'a obligé à une lecture variée, résumée dans la bibliographie b9 Variation, adaptation, intelligence, évolution.
J'ai observé avec un intérêt spécial les phénomènes physiques transitoires (perception, mémoire temporaire, attention distributive, processus cognitifs sériels et parallèles, action, participation au dialogue). Ils m'intéressaient pour renforcer mes intuitions sur des sujets comme: la combinaison sérialité-parallélisme, l'unité temporelle du discours, la présentation sur plusieurs pistes. Les schémas statiques de la cognition n’étaient pas suffisants. Il ne reflétaient pas la cinématique (les évolutions cognitives) et encore moins la dynamique (les processus mettant en cause des énergies et déclenchés par des motifs) . Les sciences cognitives avaient déclenché les recherches sur la dynamique de la cognition, autour des projets et des revues interdisciplinaires comme: " Discourse process ", " Mind and Language ", " User Modelling and User Adapted Interaction ", etc. La psychopédagogie faisait aussi des observations intéressantes sur les régimes transitoires de la compréhension et du dialogue. J'ai organisé une bibliographie séparée pour les ouvrages traitant les aspects dynamiques: b3 Processus cogntitifs ; comprehension du discours; sérialité et parallélisme.
Dans la recherche d'une caractérisation des processus d'interaction communicative, que l'explication impliquait, j'ai eu d’autres sources d'inspiration. Les informaticiens se heurtaient à ce problème au moment où ils voulaient faciliter le dialogue entre l'homme et l'ordinateur et ils avaient ouvert des créneaux vigoureux de recherche dans des directions comme l'ergonomie et le design des interfaces graphiques (GUI), l'interaction homme-machine (HCI), l'utilisation des instruments, l'adaptation. Ils promouvaient une pléthore de nouvelles technologies: multimédia, hypermedia, CMC, CAL, ITS etc. Ils se sont aussi lancés dans l'étude rigoureuse de la modalité d'expression des messages et dans la modélisation des agents et de la coopération (multimedia, natural language processing, diagrammatic reasonning, user modelling, etc) sous la pression des possibilités que ces nouvelles technologies avaient ouvertes. Ils ont fait ainsi de grands pas en avant dans une direction où les ingénieurs d'instruction aurait dû se manifester davantage... Nous trouvons aujourd'hui les résultats d'ingénierie explicative plutôt en dehors des sciences de l'éducation!
Dans ma recherche d'une l'explication par travail en triangle, expert-ordinateur–novice, j'ai dû " balayer " plusieurs disciplines, pour regrouper des ouvrages placés dans la bibliographie : b5 Coopération et la négociation des décisions. Pour l'étude de l'aspect action, si important pour l'enseignement des procédures, j'ai dû aussi scruter une multitude de directions pour arriver à la bibliographie b6 Action et pratique; exploration et assistance.
La réponse à la provocation des informaticiens est venu de plusieurs directions. Les linguistes sont intervenus dans l'étude de la formalisation du langage en participent aux dialogues interdisciplinaires comme " Discourse Process " et " Natural Language Processing ". Les psychologues sont intervenus dans les débats en " Cognitive Science ", HCI, " Visual Reasoning ", etc. Les mathématiciens et les logiciens contribuèrent en " Machine Learning ", " Expert Systems ", " Intelligent Agents " ou " Parallel Processing ". Enfin les technologues de l'éducation se sont impliqués en Multimedia , Hypermedia, CAI,, ITS, ou dans des domaines d'intégration comme " Distance Learning " , " Virtual Classroom " , " Cooperative learning ". Je ne trouvais que rarement les points de vue des ingénieurs d'instruction dans des domaines comme la théorie des systèmes, la théorie de la transmission de l'information, les théories de la communication et des télécommunications, les systèmes de support à la décision, les sciences cognitives, etc. Leur faible présence dans les débats théoriques fondamentaux reflète, à mon avis, qu'au-delà de leurs aspirations théoriques, ils sont encore plutôt des praticiens.
Leur intervention serait pourtant naturelle dans le domaine des communications, que parfois j'ai tendance à considérer comme une base théorique plus propice pour la technologie de l'instruction que les sciences de l'éducation, ou pour le moins, complémentaire. C'est dans la théorie des communications que j'ai trouvé une préoccupation cohérente pour la physiologie de la " paire humaine communicative ". Le fait que le but de la communication n'est pas explicitement instructif ne diminue en rien l'intérêt des modèles établis dans les sciences et les techniques de la communication pour l'ingénierie de l'instruction. En définitif, un acte instructif est aussi une communication et dans une certaine mesure tout acte de communication a des valences instructives. Pour moi ce qui était important dans la science des communications était la double vision sémantique-physique sur le processus de dialogue et la préoccupation majeure pour " la paire humaine résonante ". Il fallait maintenant particulariser les observations sur la communication pour le cas du dialogue explicatif, en utilisant les observations faites en éducation. J'ai organisé dans la bibliographie b4 Communication: résonance, synchronisation, intéraction et interface une liste des sources de ma méditation sur la résonance communicative.
Pour parvenir à un modèle unitaire, je sentais le besoin d'une synthèse interdisciplinaire. Une meilleure communication entre les disciplines me paraissait nécessaire. J'ai cherché partout des tentatives d'intégration, des synthèses multi-dimensionelles, des descriptions plus riches du phénomène explicatif. Dans la dernière bibliographie : b12 Le métabolisme global de l'explication, son observation et sa description, j'ai sélectionné des ouvrages qui m'ont inspiré dans cette direction.
Mon étude bibliographique m'a conduit à quelques conclusions générales:
- Le système de l'explication est extrêmement complexe et génère une problématique encore plus complexe.
- Ce système est observé par un impressionnant nombre de disciplines, qui utilisent, pour former des images partielles sur le phénomène, leurs propres filtres d'analyse.
- La synthèse de toutes ces images dans une vision pluridisciplinaire, pour poser les bases d'une science unitaire de l'explication est une entreprise difficile.
J'ai continué pendant six ans (1993-1999) l'analyse de la bibliographie qui touche la problématique de l'explication. Ce fut un travail gigantesque, qui m'a noyé dans un océan de fiches, de titres, de disciplines, de noms, de mot clefs et de problèmes et qui m'a déterminé, par son extension immense, à une lecture parfois superficielle. À la recherche des observations qui m'intéressaient, je n'ai pas pu toujours scruter en profondeur les contextes où ces observations avaient été faites... J'ai essayé de lutter contre cette faiblesse, étudiant pendant un certain temps la littérature de chaque domaine particulier, tout en maintenant un survol des grands horizons disciplinaires. Finalement l'ensemble de mes observations bibliographiques est devenu si éclectique, que j'ai pris la décision, après une multitude d'essais de faire une analyse bibliographique du matériel dépouillé (dont la simple gestion était devenu problématique) et, de ne plus en parler explicitement dans la thèse!
Ces ouvrages ont eu une influence globale sur ma vision de l'explication. Il m’était devenu impossible de préciser les sources exactes de ces influences sans perdre beaucoup de temps pour une opération qui m’apparaissait douteuse et peu utile dans l'économie de ma thèse. J'ai cru plus profitable d’organiser une bibliographie thématique (qui se trouve dans l'annexe IV de la thèse) en fonction de la décomposition de la problématique présentée dans le chapitre C6.
Le besoin de synthèse la méthodologie systémique
L'exercice de lecture interdisciplinaire m'a convaincu que l'intégration de tant de visions sur l'explication posait des problèmes méthodologiques difficiles à ma thèse. Le séminaire de méthodologie de recherche m'a aidé à saisir que ce n'était que la méthode systémique qui pouvait me permettre une intégration raisonnable des observations car elle adoptait une gnoséologie en concordance avec l'essence ontologique systémique du phénomène que je voulais modéliser.
Le problème de la méthodologie avait un rapport spécial avec mon sujet de thèse, car il était, à la fois un instrument et un exemple. Mon activité de rédaction devenait mon expérience la plus fraîche expérience d'organisation d'une explication! Elle devrait, j’ose espérer, provoquer chez le lecteur de ma thèse, une expérience aussi fraîche de réception d'explication… Il était donc normal d'organiser mon discours sur l'explication en fonction de mes propres conclusions sur la façon d'expliquer. Je me suis décidé d'exprimer mes idées par deux mécanismes, celui d’énoncés explicites et celui d’une illustration implicite, inoculée dans l'organisation de la thèse.
Lors de l'examen de synthèse que j'ai soutenu en 1995, j'ai quitté la façon discursive, sérielle de présentation et j'ai adopté une présentation parallèle, appropriée à ma situation. Je voulais décrire un système à anatomie complexe, vivant une riche physiologie et que je ne pouvais organiser que dans un " espace problématique ", reflété par un ensemble de disciplines en interaction dans une multitude d'images partielles corrélées. Je n'avais pas réussi la modélisation complète de la morphologie ou de la physiologie du système explicatif à cause d'un ensemble de motifs qui formaient à leur tour un système, tout comme l'ensemble de mes questions...
Ne réussissant pas à trouver la "voie royale" dans la forêt de ces éléments, je les ai organisés dans des " cartes d'idées ". J'ai essayé de signaler les liens entre les composantes et entre les parties de ma description: 1. Le système de l'explication (les acteurs, leur rôles, leur rapports). 2. Le système de la problématique de l'explication (les aspects étudiés). 3. Le système des disciplines qui l'observent. 4. Le système des ouvrages dépouillés. 5. Le système de mes essais sur l'explication. 6. Le système des difficultés que j'ai du affronter dans ma tentative de modélisation.
J'ai fait déjà quelques commentaires sur les disciplines et la bibliographie que les cartes 3 et 4, organisaient autour de la décomposition en trente-cinq problématiques, opérée dans la carte 2. Le chapitre C6, qui actualise l'ancienne carte de la problématique, montre que le lien entre les problèmes énumérés est si profond, qu'ils ne peuvent pas être réellement isolés. Pourtant, je n'ai pas pu décomposer autrement une physiologie si complexe, si hybride, si labile, résultant de l'interférence d'une multitude de processus. J'ai utilisé cette même carte pour synthétiser l'espace des questions posées par l'étude de la physiologie, ce qui m'a donné l'idée de l'appeler… " carte de ma perplexité ".
La carte 1 contenait un premier essai de modélisation globale de l'anatomie du système explicatif. Elle soutenait une analyse de la division du système en composantes et montrait leur rapports en nous obligeant à ne pas perdre de vue l'aspect unitaire, organique de l'ensemble, même quand nous sommes intéressé par le métabolisme d'une partie. Le chapitre C5 contient une nouvelle version de cette carte. Conscient des limites de ces représentations, j'ai repris et réorganisé le système (5) des essais élaborés pendant l'étape précédente. Le besoin de cette forme descriptive narrative, fluide, était justifié par la carte 6, qui synthétisait mes observations sur les difficultés de la modélisation de l'explication. J'ai placé dans l'annexe II une actualisation de cette carte–synthèse qui résume les observations sur les difficultés de modélisation, formulées tout au long de la thèse