Rosca Ioan
Intelligence et intelligibilité (5)
Introduction
1. Comme dans des autres domaines
de la recherche scientifique, ils existent deux grands niveaux de l'attaque du
problème des environnements intelligents: la perspective et l'immédiat. La
science applicable et tout aussi respectable et nécessaire que la science
appliquée. Mais pour un chercheur, un choix doit être fait, pour des raisons de
cohérence. Car, les deux alternatives
s'accompagnent des approches différentes.
La recherche fondamentale peut
(et doit) s'éloigner des restrictions de la réalité du moment. Elle doit
dépasser les détails, pour établir des résultats suffisamment généraux qui
résistent à la dynamique technique et
scientifique. Certaines libertés qu'elle
prend aujourd'hui ouvriront des portes vers les solutions pratiques nouvelles
de demain, vers des révolutions !. La rigueur est de garde et fait la
sélection, sans bloquer la création.
La recherche appliquée parcourt
un chemin plutôt inverse :elle part du problème lancé par la pratique et
cherche à trouver un cadre théorique
général (pour répondre à une classe de situations) , mais opérationnel.
On doit donc choisir entre "la grande
recherche" (les projets ambitieux comme celui de synthétiser un
"professeur artificiel") et la petite recherche (trouver et appliquer
des moyens techniques nouveaux pour faciliter l'apprentissage). Chacun aura son
espace de motivations pour orienter ce choix.
Je saisis la mise qui est en jeu
dans l'effort de l'IA. Je ne doute pas que les répercussions pratiques d'un
éventuel succès de ses ambitions seraient majeures. Je me sens captivé par les
questions philosophiques fondamentales que soulève la recherche actuelle sur
l'intelligence. Aussi j'observe que les grandes institutions qui subventionnent
les collectifs de recherche dans le domaine, ainsi que l'ambition naturelle des
chercheurs pour les défis de calibre, sont en train de polariser l'étude vers
les grands projets.
Mais je crois que la distribution
des efforts est déséquilibrée et que le nombre de ceux qui cherchent des
solutions plus modestes (mais efficaces), pour les besoins criants de
formation, ressentis aujourd'hui, devrait être plus grand. Le problème de l'optimalité se pose aussi
dans la zone des petits moyens. Et il n'est ni moins important , ni moins
scientifique. Laisser les praticiens le résoudre à des moyens ad-hoc , c'est
une tradition discutable. Faire avec
peu, c'est un art à étudier, qui peut générer des beaux sujets de recherche.
D'ailleurs, rien ne nous permet
pas d'exclure des hypothèses comme :
- la science de l'instruction
avancera par une collaboration permanente entre la théorie et la pratique : des
méthodes découvertes par raisonnement et validées par application se
combineront avec des méthodes découvertes par expérience et expliquées par
raisonnement; la science a donc intérêt à garder la vue sur l'univers des
expérimentations pratiques.
- certains systèmes d'instruction
sont tellement complexes que l'effort de les optimiser "à grands
moyens" dépasse le gain obtenu , par rapport aux solutions moins élaborées
!
2. . EAO versus EIAO
(Intelligence versus intelligibilité)
Explicitons l'observation précédente dans
l'espace des préoccupations d'IA et EIAO.
Le but de l'IA est d'atteindre le savoir-faire nécessaire pour pouvoir
produire convenablement des experts artificiels, d'industrialiser
l'intelligence. Les conséquences de la réussite sont évidemment gigantesques (
et aussi discutables, mais je ne veux pas me perdre dans des considérations à ce
sujet)
Il est évident qu'on est encore loin de réaliser ce projet et que le
chemin à parcourir est long. Des
difficultés sérieuses devront être dépassées, et pour cela les spécialistes
impliqués ( informaticiens, psychologues, anthropologues, linguistes ,logiciens
etc) auront à faire preuve d'imagination, rigueur et résistance.
Pour un chercheur encadré dans
cette lutte, l'objectif raisonnable sera de résoudre une petite partie , un morceau, un sous problème, conformément à
une répartition des tâches prévisible. Il n'est pas évident que les résultats
partiels qui seront obtenus, auront une applicabilité intéressante . D'ailleurs
la logique profonde qui règne le mécanisme de leur établissement, est celle du
tronçon du chemin vers la solution et non pas de partie de la solution. Ce qui
ne correspond pas à la recherche appliquée !
Plaçons-nous dans la posture
pragmatique. Elle nous oblige de ne pas nous distancer du
"pourquoi?". Qu'est ce qu'on veut avec les environnements
intelligents ? Est-ce que cette intelligence est un but ? Non, on se rend compte qu'il s'agit d'un
moyen... (cela ne doit pas attrister les
informaticiens). Le but est que l'utilisateur soit aidé à apprendre efficacement (un meilleur rapport savoir
acquis \efforts) . Un pas de plus nous relève que même le savoir n'est qu'un
but intermédiaire, car (à part le cas de la culture- but) , d'habitude (surtout
en industrie) le savoir est un moyen pour bien opérer (cela ne doit pas
attrister les éducateurs).
Dans cette optique, nous avons un
problème d'optimisation d'une chaîne (instruction- savoir- performance).
Plusieurs alternatives d'accroître la performance peuvent poser leur
candidature . Puis, si on mise sur le savoir, plusieurs manières de l'enrichir
sont possibles. Enfin, si l'instruction est choisie, plusieurs techniques
entrent en compétition. L'utilisation d'un instructeur humain est une d'entre
elles. Une autre serait le partenaire
artificiel, qui pourrait être intéressant pour certains motifs. Mais aussi il
peut présenter des désavantages.
Un d'entre eux c'est l'absence de
l'intelligence , la rigidité face à un besoin d'intéractivité et raffinement
important . Dans ce cas , un environnement intelligent pourrait faire notre affaire. De quoi cela dépend ? Du rapport
entre ce qu'on gagne par l'intelligence et ce qu'on dépense à l'assurer !
Pour décider la réponse à la
question ainsi posée, nous devons accompagner la méthodologie de construction,
par les règles d'estimation de son coût !
Car il ne faut jamais oublier le
but et le contexte. Si nous pouvons assurer la même intelligibilité par des moyens plus économiques que l'intelligence
artificielle, nous n'avons pas de motifs à l'éviter. Quels pourraient être les
autres mécanismes (à part l'intelligence de l'artefact):
- la simplification des tâches
- la clarté du discours
- la bonne adaptation préalable
de l'instrument au élève (le choix du "fit")
- les facilités de réglage
offertes à l'apprenant
- le bon guidage
- le choix des explications assez
univoquement définies pour ne pas susciter une négociation complexe
-l'intervention d'un surveillant
humain
Si le point de départ est: aider
l'apprentissage en profitant de l'ordinateur, il ne doit pas exister de parti
pris en ce qui concerne les moyens; le EAO et le EIAO concurrent sans
discrimination.
Le péril qui existe dans le cadre
du débat EAO versus EIAO est d'avaler une polémique très complexe qui à lieu
dans le champ de la méditation
fondamentale sur l'éducation :quel est l'équilibre optimal de décision entre le
professeur et l'élève pendant l'apprentissage. De toute évidence la réponse à
cette question est nuancée et relative.
Ils existent des situations ou des moments
dans lesquels la meilleure manière d'aider à apprendre c'est le guidage
autoritaire, le parcours d'un chemin pré défini. Pour croire que des telles
situations son rares il faut venir vers l'enseignement de son extérieur, avec
des concepts théoriques pré définis. L'expérience enseigne le contraire, la
technique du parcours unique est bien des fois pertinente. Pour des telles
situations l'EAO peut produire des excellents outils. Pour des autres cas, il
peut englober une certaine flexibilité, offrant des choix est étant capable à
réagir pertinemment à chaque alternative.
Enfin, ils existent des situations dans lesquelles
, pour faire face efficacement , le
partenaire de l'apprenant doit pouvoir saisir la situation de celui-ci et
réagir en conséquence. L'EIAO
s'en occupe naturellement.
Mais, choisir la pertinence des deux approches
, c'est un problème EXTERIEUR à la
conception de l'EA.
On peut voir (à juste titre) le
EIAO comme un perfectionnement. Il reste à s'assurer que les cas ou, les
complications qu'il apporte ne sont pas justifiées par les gains, soient
devenus insignifiants, avant de jeter l'EAO. Dire que des tels cas,
trivialement résolues hors IA, ne justifient plus une recherche, c'est de
risquer sur une seule carte , de manière superficielle. Une preuve que la
recherche de l'alternative EAO n'est pas caduque est justement l'absence d'une
base de décision pour le choix de la complexité de l'instrument d'instruction,
en fonction des contraintes (même financières, pourquoi pas ?). Pour moi,
et l'axe de la recherche le "EA" :comment assister quelqu'un qui veut apprendre.
Le problème de principe que je pose
est donc celui-ci : dans l'espoir que l'EIAO apportera des meilleures solutions
à tous les problèmes d'apprentissage doit-on abandonner les recherches sur la
technique de l'EAO ?
J'ai une préférence pour le
renouvellement de la recherche sur l'EAO,
avec une attention particulière sur les idées établies dans le cadre de
l'IA qui pourraient être exploitées, et sur les implications des nouvelles
capacités technologiques (multimédia, etc).
Et cela , pas seulement pour les
raisons pragmatiques évoquées plus haut.
3. EAO versus EIAO (rigidité versus fidélité)
J'ai accordé à l'enseignement une
importance particulière, en l'analysant pendant longtemps de l'intérieur (en
tant qu'apprenant ou professeur). Je peux dire sans hésiter que le gros de mon
activité professionnelle et de mes investissements intellectuels a visé ce
sujet : comment on peut aider quelqu'un qui veut apprendre. Je me base donc sur
une certaine expertise . La recherche bibliographique m'a permis de confronter
cette expertise d'instructeur avec les idées véhiculées sur l'instruction dans
l'IA et l'EIAO . Et j'ai constaté une divergence .
L'explication semble liée au fait
que dans l'IA, les solutions universelles ne sont pas possibles et que chaque
système expert doit être conçu en étroite relation avec le domaine
d'application auquel il est destiné, qu'il doit en quelque sorte émaner du domaine dans lequel il veut
fonctionner . La question qui se pose naturellement est donc : quelle est la
spécificité de l'instruction comme champs d'application d'un système expert.?
Le paradigme de base des systèmes
experts est celui du partenaire qui
répond à une question formulée par l'utilisateur. Pour le cas des
environnements de consultation (de découverte guidée) c'est un cadre adéquat.
Mais il y a des bonnes raisons de douter que ce soit le modèle universel de
l'instruction. Dans l'éducation, le cas du partenaire qui enseigne une notion à l'apprenant
est aussi significatif.
Ce n'est plus une recherche de la
réponse, mais un discours qui doit passer, tel qu'il a été conçu par son
créateur. La "découverte" et "l'écoute" peuvent se combiner
à plusieurs proportions. Dans les situations "discursives" , ce qui
compte est que le récepteur puisse se synchroniser sur l'émission, pour la
percevoir le plus fidèlement possible.
Or dans un tel cas, on a des
motifs à craindre que les libertés d'un "moteur d'inférence" soient
des sources de déviation indésirables , et que la solution la plus adaptée est
de lui imposer de fournir ... un
algorithme !
Une explication de qualité se
distingue d'une concaténation banale de propositions, par le fait qe'elle est
plus que la somme de ses parties !! Si
on dévie de l'ordre de présentation, on trouve peut être les mêmes
connaissances, mais pas la même explication ! Or, en renonçant à l'unité du
discours , "les instructeurs à base de connaissances" risquent la
médiocrité !
Il s'agit ici de la granulation
trop fine (à mon avis) imposée par les structures à base de connaissances ,
doublée par la recomposition du discours avec un moyen plus ou moins mécanique.
C'est une limite inévitable : ou l'expert humain préétablit la série de recombinaison du
discours (et on revient à l'algorithme) ou la machine peut faire des couplages
avec les chances de "médiocrisation" en conséquence.
En résumant : l'idée que les
discours peuvent être composés par une mécanique d'inférence englobe un fort
potentiel de kitsch instructionnel. L'expert
en didactique ne fonctionne pas par inférence sur un groupe de règles , mais,
comme toute autre créateur, par inspiration censurée par la somme de son savoir.
La connaissance a une dimension
historique essentielle. Pour comprendre une chose, il y a mille chemins, parmi
lesquels certains sont plus généreux que les autres. L'art de l'instructeur est de conduire
l'apprenant sur les "voies royales" qui mènent à la perception, à
la compréhension , au savoir, à la
mémorisation et à la performance . Le tracé de l'excursion est essentiel pour
arriver facilement, paisiblement, profondément.
Plus que ça, le concept même a un volume historique ,
une forme dans le temps , une dimension temporelle. On apprend des notions-
évolutions , bâties pendant et par
le parcours de l'apprentissage. En
conséquence, on n'a pas intérêt de laisser l'élève (ou le hasard combinatoire)
établir la séquence de l'enseignement. Etablir l'ordre c'est la plus fine
partie de l'expertise, c'est la plus spécifique tâche de l'expert. (à comparer
avec les systèmes expert qui visent seulement à obtenir le résultat final !) Il
en découle que le professeur , tout en gardent une certaine ouverture pour s'adapter aux besoins de son élève, doit
prendre des décisions raffinées pour la continuation du dialogue, suivant la logique interne du sujet
enseigné.
J'ai peur que les contraintes introduites par la personnalité du discours
professoral vont faire la conception d'un AIAO tout aussi difficile que la
programmation classique. On a remarqué à
juste titre qu'il y a des différences significatives entre les apprenants et
que cela pose des problèmes d'adaptation ,demande une flexibilité de
l'aide. Mais il faut respecter aussi la
cohérence interne de la discipline qu'on veut enseigner . En conséquence ,pour
enseigner la même chose , il faut la faire de la même manière, ou d'une manière
compatible, ce qui représente une restriction au sens inverse au désir
d'adaptabilité à l'apprenant. En somme
je crois que l'EAO- fait intelligemment n'a pas dit son dernier mot !
4 Conclusion
Comme suggestion pratique que j'infère de
cette analyse c'est de nous doter avec des bons instruments pour saisir, avant
démarrer un design de système d'apprentissage,
quel est l'équilibre le plus convenable pour le cas à résoudre
entre la nécessite d'adaptabilité à l'apprenant et de cohérence de la leçon.
A partir de ça on peut savoir si
un système d'EAO sera suffisant ou si on est sensé de faire appel à la
technique d'EIAO.
Il me semble qu'un critère important qui
interviendra sera l'encadrement de la tâche dans la catégorie INFORMATION ou
DISCOURS.
En général il est prévisible que si ce qui
nous intéresse c'est aider quelqu'un à s'informer, à accéder aisément à une
base de donnés, le guide devrait être structuré sur les principes de l'IA, pour
donner raison à l'initiative de l'utilisateur.
Par contre s'il s'agit de former (enseigner)
il faut s'assumer plus d'initiative pour guider l'apprenant sur des parcours
établis comme nécessaires et l'EAO peut se débrouiller MIEUX.
Il reste intéressant à chercher une
combinaison entre les deux techniques , capable de servir en toute
circonstance.
Et peut-être, à mettre au point des
bases d'explications, qui permettraient une manipulation intelligente au
niveau des discours, conservés dans leur unité, mais aussi abordables par des
instruments de décomposition et analyse.
Bibliographie-5
A. Cours, séminaires, démonstrations, tables
rondes :
Le cours ETA 6703 : Conception et élaboration
de systèmes Multimédia d'apprentissage
- Max Giardina (hiver 1994)
La conférence "L'actualité des tutoriels
intelligents" de C.Frasson (8-02-1994)
Les présentation de la vitrine EIF de CRIM
Les présentations de LICEF - journée porte
ouverte Téléuniversité( 24-03 1994)
Les tables rondes avec les représentants de la
recherche et de l'industrie (mars 1994)
B. Ressources sur INTERNET :
Listes de discussion par courrier électronique
:
AI-ED
(intelligent computer aided instruction) : ai-ed@sun.com
NEWEDU-L (new paradigms in education) :
NEWEDU-L@vm.usc.edu
Groupes News :
bit.listserv.edtech
misc.education.multimedia
sci.cognitive
comp.ai
comp.ai.edu
comp.lang.scheme
Archives accessibles par Gopher :
gopher.ed.gov
gs1.gac.peachnet.edu
wave.scar.utoronto.ca
state..virginia.edu
gopher.cic.net
cico.rice.edu
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Publications électroniques (accessibles par
gopher)
EDUPAGE (ivory.educom.edu)
Journal of Technology Education (borg.lib.vt.edu)
Educational Uses of Industrial Technology News (gopher.cic.net)
Journal of Extension (gopher.cic.net)
Bibliothèques en ligne et bases de donnés ;
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Problem Explanation for ITS" ( Conference ITS "92)
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