Ioan Rosca

             Les contextes de fonctionnement (8)

 

                 1. Le besoin d'actualisation des principes généraux

 

Quand nous parlons d'une science de l'éducation (ou du design des environnements éducatifs),  nous pouvons avoir plusieurs visions sur sa "géographie".

 

D'une part, nous pouvons l'imaginer "de haut en bas"- c'est à dire à partir des principes généraux vers les particularisations utilisables dans divers domaines. Le corpus des principes généraux formera la "science de l'éducation" , avec ses spécialistes dans l'établissement, la gestion et l'application de ces principes. Leur rôle sera de mettre au point :

- une théorie générale (intéressante comme savoir unitaire, comme synthèse d'orientation)

- une méthodologie de particularisation (pour obtenir des résultats utilisables dans les didactiques concrètes).

 

A un étage plus bas nous trouverons les "didacticiens de quelque chose" c'est à dire les spécialistes dans l'aide à la transmission de connaissances spécifiques (didactique des maths, des langues etc). Ceux-ci utilisent les principes pédagogiques clarifiés par les "généralistes en éducation" et la connaissance du spécifique cognitif de la matière dont la transmission fait l'objet de l'aide envisagé.

 

Enfin au dernier étage se trouvera le "praticien pédagogique", qui aura à résoudre un problème concrète et pointu d'apprentissage, à générer "une leçon" à partir de la connaissance intime du contenu et de l'adaptation des "schémas didactiques" pertinentes.

 

Comme partie de la science de l'éducation, la science du design des environnements d'aide à l'apprentissage peut être perçue sur les mêmes trois niveaux.

 

D'autre part, on pourrait reprocher à cette structure une excessive vision théorique et rigidité. Le fonctionnement du système peut être vu à l'inverse, dans une approche plus "expérimentale" :

 

Le premier étage c'est l'océan des situations concrètes d'apprentissage. Chaque "artisan" établit des méthodes profondément dépendantes du spécifique de sa situation. Sur la base de ce savoir-faire, on peut chercher des caractéristiques communes à diverses classes de situations pour arriver à des synthèses de genre "didactiques des maths" ou , encore plus haut :"didactiques".

 

Un débat à la recherche du "vrai fonctionnement" serait probablement stérile . Aussi pour les "spécialistes vraiment utiles"( les généralistes, les spécialisés, les praticiens) Il répéterait d'ailleurs le débat classique sur la prépondérance du théorique appliqué versus l'expérimental généralisé. En fait on a tous les motifs de croire dans la superposition fructueuse des deux mécanismes. Les espoirs que le savoir sur l'éducation finira par engendrer "une science" (en établissant des "lois" synthétiques, contrôlables, générales et utilisables pour inspirer la découverte) font l'objet d'une discussion à part. En tout cas, il existe un besoin de symbiose entre les paliers de l'expertise sur l'éducation.

 

Car, il est évidant que l'aide à l'apprentissage a un caractère complexe: d'une part il faut savoir intimement le curriculum qu'on veut transmettre (le spécialiste dans le domaine est le mieux placé); d'autre part les connaissances sur les mécanismes de l'apprentissage du respectif curriculum et sur les principes psychopédagogiques sont aussi nécessaires. Or , la science de l'éducation au niveau général établit des résultats sur ces mécanismes utilisables par le concepteur de tout apprentissage concret. Pourtant cela ne veut pas dire que ces connaissances, nécessaires soient aussi suffisantes pour concevoir une bonne "leçon" ! Elles doivent être actualisées dans le contexte concret du problème à résoudre.

 

Ainsi l'actualisation des principes du design d'un instrument d'aide à l'apprentissage au contexte particulier qu'un praticien doit traiter, est un problème difficile, dont l'importance est évidante. L'éluder se serait pour la théorie de s'exposer à l'accusation de la retraite dans un tour d'ivoire.

 

 

2. Le contexte de l'apprentissage

 

Une première variable qu'on doit actualiser quand on veut s'appliquer aux situations concrètes d'apprentissage est le contexte dans lequel l'instrument d'aide devra fonctionner.

 

Apprendre dans le cadre de l'enseignement classique (l'école), d'un centre de formation en entreprise ou en autodidacte n'est pas de tout la même chose ! Des différences majeures de buts, de moyens, de climat, font que la validité d'une stratégie commune d'apprentissage et par conséquent de design pour les instruments d'aide est peu probable.

 

Ils existeront bien sűr des "invariables", des principes utilisables par tout; mais aussi des éléments différents, est surtout une intégration (synthèse ) différente. Dans le design concret l'art se basera sur le contrôle de ces paliers : utiliser les principes généraux directement applicables, particulariser ceux qui demandent une adaptation, ajouter les éléments spécifiques.

 

Une direction pour arriver à ce contrôle de manière globalement efficace (et non pas se résigner à autant d'expertises que des domaines d'application)  est de traduire les contraintes (particularités) du contexte dans un langage conceptuel universel ( par exemple : les buts, leur pondération, les moyens, les restrictions etc). Chaque problème pratique se caractérisera par une "formule" dans cette espace descriptif général, et en conséquence s'apprêtera à une solution optimisée par des  "procédures transportables".

 

Etablir l'espace de ces paramètres et les procédures de résolution dépasse largement le cadre du présent article. Mon objectif et seulement de mettre en évidence le problème , et le risque de toute réduction qui se proposerait de "concevoir des stratégies d'aide à l'apprentissage universellement valables". On a constaté dans l'évolution de l'IA que la tendance initiale pour les solutions générales a échoué. On a compris qu'il faille exploiter le spécifique du type du problème pour pouvoir construire un automate pour le résoudre. J'ai tous les motifs de croire que la même situation confrontera les essais en EAO. 

 

 3. Le cadre scolaire.

 

L'enseignement dans le cadre du réseau scolaire couvre à son tour un large éventail de situations structurales : les institutions d'état ou privées, le primaire, secondaire, collégial ou universitaire, le théorique ou le pratique etc.

 

Je ne ferai pas ici l'analyse (trop complexe) de ces différences et de leurs conséquences sur le design de EAO. ( même si pour la logique du point de vue que j'expose , il serait pertinent). Je me limite à quelques observations de valabilité générale (et statistique), à quelques tendances que je crois expressives.

 

a. L'artifficialité du cadre.

 

De manière idéale, l'homme se lance dans un processus d'apprentissage :

- parce qu'il veut faire et pour faire il ressent le besoin d'un savoir faire

- parce qu'il veut savoir

 

Ainsi, de manière naturelle le savoir- voulu est un moyen ou un but , ou en général, une combinaison des deux difficilement explicitable. (on veut savoir pour agrandir notre expertise générale ou par simple curiosité etc)

 

L'origine de ce "vouloir" est aussi diverse. On veut parce qu'on aime, parce qu'on  peut en profiter, parce qu'on est payé, parce qu'on est obligé etc.

 

Toutes ces alternatives influenceront directement et extérieurement (on peut influencer la motivation aussi par le discours pédagogique) le levier de la motivation, d'habitude absent du modèle du système d'apprentissage. Considérons que ce paramètre (structure préalable de la motivation) fait partie du contexte extérieur. Le bilan motivationel global résulte d'une interférence entre la motivation extérieure (but, gain etc) et intérieure (plaisir de la lecture , intérêt suscité etc)

 

La première démarcation qui apparaît entre l'enseignement scolaire et extra scolaire est au niveau de la motivation.

 

Pour le cas extra scolaire la motivation extérieure est dominante . L'expérience en entreprise démontre que les gens sont peu influençables par des leviers motivationels intérieurs. Un bon discours (cohérent, sympathique, pertinent) est évidemment apprécié et mieux "consommé". Mais les gens savent généralement ce qu'ils veulent (ont besoin) entendre. Ils n'accepteront pas des déviations  pour des raisons "esthétiques". Ils préfèrent l'utile. Le pragmatique est le critère dominant. Cela simplifie la tâche du concepteur, qui n'a pas à "conquérir" l'auditoire, mais à le satisfaire.

 

Par contre la "leçon" à l'école se place dans un contexte motivationel essentiellement flou ! L'apprentissage n'est pas orienté clairement (polarisé) par un besoin de faire et la recherche du savoir en conséquence. Même dans un enseignement "orienté vers la pratique", la situation qu'on doit résoudre est imaginaire. Et l'élève le sait ! Il sait aussi que la probabilité de se confronter plus tard avec le cas simulé est illusoire. Il existe un coefficient de probabilité plus prés de 0 que de 1. Et cela , sousconsciemment démobilise.

 

Il nous reste à penser à la deuxième catégorie motivationelle : apprendre pour savoir. Savoir comme but ou savoir comme croissance potentielle de la capacité générale d'agir.

 

 Théoriquement nous pouvons nous rassurer : il est évidant que, pour pouvoir faire face à l'univers des situations variées et imprévisibles qu'on devra résoudre dans la vie,  nous devons nous équiper d'une vaste structure de connaissances et dextérités. Il est aussi manifestement impossible de prévoir la longue chaîne des situations qu'on devra confronter (d'ailleurs on  observe un dynamisme qui fait douter que, les situations de demain seront solubles avec des recettes établies aujourd'hui.). On en déduit l'obligativité de "l'apprentissage par investissions" , avec des risques de non-pertinence inévitables ! C'est le principe de l'enseignement général , que les élèves doivent comprendre et accepter.

 

Mais la réalité nous confronte à une dure épreuve : les élèves ont de plus en plus de mal à accepter ce paradigme. Cette explication structurale profonde de la "crise de l'enseignement" est rarement mise en évidence par les analystes. Peut être parce que , loin de solliciter des corrections , elle indique la nécessité de repenser le paradigme même de l'enseignement comme investissement à risque, à long terme et à grands efforts.

 

Car il y a des raisons de la crise qui ne peuvent pas être réduites à des "carences" des élèves, des programmes , des enseignants :

 

- L'hypothèse de l'utilisabilité potentielle de ce qu'on enseigne est de plus en plus discutable. L'expérience historique témoigne sur des dépenses d'apprentissage (de temps et d'énergie) nullement justifiées ultérieurement. Et les gens le savent. Dans la dynamique actuelle , la probabilité qu'un investissement éducationnel soit vraiment pertinent après 20 ans est devenue péniblement réduite. Et de plus la complexité du sujet empêche la démonstration de l'utilité globale retardée d'une certaine connaissance. Qui peut prétendre contrôler ce genre d'efficacité ? Les auteurs des programmes en tous cas - non ! Car établir un curriculum cohérent, cela prend exactement le temps nécessaire pour qu'il devienne caduque ! Peut-être cela devrait mettre en cause le modèle de "l'accélération à tout prix" de la société (qui commence à ressembler à une explosion incontrôlable et produit une frustration menaçante). Mais en tout cas, c'est une réalité face à laquelle l'inertie (naturelle) de l'éducation ne peut plus faire face.

 

- Le personnage qu'on appelle "élève" change aussi, en synchronisme avec une société rapidement changeante. Il devrait accepter un rôle de plus en plus ingrat dans le système d'éducation : faire des efforts de plus en plus grands pour enquérir un savoir potentiel dont la pertinence est de moins en moins garantie ! Mais ce genre de sagesse ( ...!) est de plus en plus en contradiction avec son émancipation !  Il est précoce; il tient à sa vision; il a ses opinions; il aime comprendre et choisir et il l'exige. Voilà assez pour une crise brutale!

 

Loin de moi la capacité de suggérer des solutions. Eliminer la culture et transformer les écoles dans des "pépinières pour les entreprises" est à la fois cynique et utopique. Peut être le système de valeurs de la société est à réviser. Peut être l'école pourrait se reformer harmonieusement dans un monde dans lequel le savoir deviendrait un but, une valeur généralement partagée ... Dans le cadre de ma réflexion, je dois prendre les choses comme ils le sont, pour en déduire des conséquences sur l'élaboration du didacticiel.

 

En résumant, la particularité la plus frappante du système d'apprentissage scolaire est son artifficialité.  L'hypothèse ( habituellement implicite dans le design d'un instrument d'apprentissage) que l'apprenant sait ce qu'il doit apprendre et pourquoi, qu'il est motivé à le faire, qu' il utilise l'énergie tractrice de la motivation pour parcourir le savoir n'est pas vérifiée !  On a affaire à un apprenant qui n'a pas besoin d'un savoir pour l'appliquer ensuite, qui n'est pas sűr de l'utilité retardée du savoir à apprendre, qui est obligé à s'instruire pour accomplir ses "devoirs" scolaires raisonnablement. Si on conçoit du didacticiel , il faut en tenir compte.

 

Le concepteur est obligé de s'adapter à cette situation. Il devra voir les moyens de stimulation de la motivation comme un point essentiel de sa stratégie. Il devra atténuer le caractère "tyrannique" du programme (l'utilisateur n'a pas besoin des irritations supplémentaires...), mais dans le même temps offrir une cohérence qui fasse l'utilisation assez facile (l'apprenant n'est peut être pas suffisamment motivé pour des efforts de découverte). En fait, il devra imaginer plusieurs types d'élèves (selon leur motivation, ce qui s'ajoute aux différences de connaissances et de capacité). Pour ne pas être obligé à faire plusieurs programmes il  devra songer à une conception à plusieurs étages (accès multiple) et à des instruments d'adaptation.

 

b) La malléabilité curriculaire

Cela a aussi des effets bénéfiques. De côté du curriculum, le but général étant la culture (l'éducation), ce qui intéresse est  l'accumulation (une sorte d'efficacité globale). A part quelques habiletés de base , l'élève doit acquérir une somme de connaissances. Il est évidant qu'une certaine flexibilité peut (et doit) fonctionner. Si un apprenant manifeste un grand intérêt pour certains aspects (sujets), et en conséquence les apprend de manière efficace, on peut le libérer des pressions dans des autres directions. Aussi, le temps n'est pas "pressant", il permet de la flexibilité :laisser aux élèves le choix de leur propre rythme. De plus , ce qui intéresse c'est que l'apprenant se forme des habilités , de procédures générales, de métaconnaissances lui permettant plus tard de se débrouiller seul dans l'apprentissage des détails concrets.

 

Tout cela suggère l'intérêt des environnements "de découverte guidée" , comme didacticiels scolaires ! La flexibilité du curriculum, le long délai disponible permettent une stratégie flexible, adaptable aux désirs des élèves, eux aussi en continuelle évolution. Leurs intérêts le demandent. Or. les environnements de type "découverte guidée" promettent une réponse intéressante.

 

Aussi observons que, si on accepte comme naturel de laisser une plus grande liberté de choix de curriculum à chaque élève , l'utilisation des "learning environments" promet d'être mieux adaptée à l'enseignement individualisé que l'utilisation exclusive des enseignants, qui, ne peuvent pas présenter 30 curriculums dans une sale de classe!

 

Pour ce qui est de la partie commune du curriculum (qui devra rester pour assurer la cohérence sociale que l'école doit soutenir) , observons l'avantage de la relative généralité et stabilité de cette partie pour le design des instruments EAO : elle permet un facteur de reproductibilité intéressant pour une informatisation.

 

c) Le fonctionnement du système d'enseignement

Enfin , quand les efforts de conception aboutiront à un instrument de qualité, le concepteur devra s'attendre que, pour toute une multitude de motifs extérieurs ,  les résultats ne soient pas ceux espérés. Car le sous-système "apprenant- instrument- sujet" qu'il envisage n'est pas de tout fermé... Et c'est à cette occasion que peut-être il comprendra la situation ingrate de son "concurrent- collègue", l'enseignent classique. Car il est dangereux de croire que (et certains textes de "technologie éducationnelle" le suggèrent) le grand problème de l'enseignement est la faiblesse du professeur comme "instrument d'apprentissage". Croire que le remplacement de celui-ci par un artefact technologique va produire des miracles c'est de ne pas saisir le vrai problème , et de risquer de compromettre deux expertises à la fois : le technologue (concepteur de EAO) sera , lui aussi, injustement accusé de l'inefficacité de son artefact, tout comme l'enseignant qu'il est appelé de remplacer!

 

Pour éviter ce genre de piège , le technologue doit comprendre le fonctionnement du système dans lequel il veut insérer son instrument. En plus des éléments que je viens de présenter, il devra tenir compte des aspects comme : les intérêts des enseignants, des directeurs, des commissions, des parents... Personnellement j'éviterai cette posture, et je m'appliquerai à des autres contextes. Ce n'est qu'un choix individuel, je n'en fais pas une suggestion. Il est nécessaire que certains se lancent dans cette aventure. Pourtant je tiens à leur attirer l'attention sur les "vices cachés" comme  le feed-back sur la qualité .

 

Le principe de rémunération des enseignants est strictement quantitatif. (le nombre d'heures). Pour ce qui est de la qualité , on fait l'hypothèse simplificatrice qu'elle serait proportionnelle à l'expérience et que celle-ci serait proportionnelle à l'ancienneté. La fragilité de ces "principes"  est évidante. La qualité d'une leçon est en fait très faiblement correlable à l'ancienneté de l'enseignant. D'ailleurs personne n'en a pas fait la preuve...

 

 La réalité incontestable est que, la qualité (valeur, utilité, etc) de la leçon dépend :

- de l'expertise de l'enseignant (art pédagogique, expérience, connaissance profonde du sujet etc)

- de l'effort de préparation de la leçon.

Pour se préparer à expliquer quelque chose, il faut revenir à plusieurs reprises sur le matériel, faire un long effort de structuration et restructuration. Une bonne leçon cache derrière elle des longues heures de préparation. Comme toute autre activité humaine, celle de la préparation de la leçon (ou d'un environnement d'apprentissage), demande un temps et un effort.  On dépense plus de temps, plus d'efforts, plus d'intelligence, on obtient un meilleur produit.  On s'attend donc que la récompense,  soit, sinon proportionnelle à cette consommation créatrice. pour le moins dans un certain rapport normal.

 

Mais dans l' enseignement cela ne se passe pas . Le "salaire" obtenu n'a aucune liaison avec l'effort investi dans le produit offert ! Si l'enseignant dépense 20 heures pour préparer une leçon "formidable" ou 20 minutes pour se rappeler le curriculum, le feed-back est le même. Le motif de cette situation est la difficulté de mesurer l'utilité d'une leçon ou l'effort investi pour la concevoir. Ce n'est pas le cadre de discuter la validité de cette "impossibilité" ou les moyens de la dépasser. Mais le nouvel partenaire du système scolaire (le concepteur du didacticiel) doit être au courant de ces prémisses, et peut être, songer à des moyens d'évaluation de son produit. Pour pouvoir évidencier l'effort et la valeur du didacticiel, (chose importante pour ceux qui veulent dépenser de l'énergie pour des produits de qualité) on doit peut-être introduire des éléments structuraux supplémentaires au niveau de design .  Cet effort serait justifiable comme moyen de guidage, et protection ...

 

Car, étant donné l'actuelle "atmosphère" je ne vois pas comment le concepteur de logiciel scolaire pourrait évader du principe de l' uniformité de la récompense. Car la situation est profondément analogue. Et je me demande si pour le développement du domaine , cette absence du feed-back matériel n'aura pas les mêmes effets inhibiteurs que dans l'enseignement, si elle ne fera pas de la sorte que les concepteurs se dirigent vers des solutions " à la mesure de la récompense", c'est à dire programmatiquement modestes ?! 

 

 

                                   4. Les entreprises.

 

La situation de la formation dans les entreprises est  différente de celle de l'enseignement . J'essayerai de montrer que cette différence et tellement grande qu'on peut supposer qu'elle générera une autre méthodologie de design des instruments d'aide informatisé.

 

Reprenons les aspects traités dans le cas de l'école : la fragilité de la motivation, l'ambiguďté (flexibilité)du curriculum, la prépondérance des tactiques générales sur les informations spécifiques, l'artifficialité de la simulation, la relative stabilité et généralité, l'absence du feed-back pour les enseignants, la difficulté de l'évaluation.

 

Tout cela est presque renversé dans la formation en entreprise :

 

a) Le but : la performance

Dans une entreprise, les individus doivent faire (produire). Pour pouvoir faire (surtout efficacement) ils doivent savoir comment. Le savoir n'est pas un but en soi, ni pour l'employeur ni pour l'employé (car généralement le genre de connaissances impliquées n'est pas de la catégorie "culture").  Cela ne veut pas dire que l'employeur ou l'employé n'ait pas des intérêts de type savoir. Seulement que, même s'il s'agit d'un savoir avec application plus éloignée (ou plus vague ou seulement potentielle) ce savoir  envisage la facilitation d'une tâche.

 

D'ailleurs, les employeurs évitent les dépenses pour l'apprentissage des savoirs plus éloignés d'une l'application immédiate. Ils acceptent que l'émancipation globale (intellectuelle ) de leur employé apporte un croassement d'efficacité, mais il ne se presse pas à y investir ...! Ils préfèrent utiliser une politique d'embauche en conséquence. D'ailleurs la réalité leur a donné la leçon amère du départ des spécialistes pour l'émancipation desquels ils avaient investi. Je reviendrai sur ce point. Pour le moment je retiens qu'en lignes générales, l'apprentissage en entreprise vise des objectifs concrètes, qu'il ne s'agit pas de l'éducation mais de l'instruction (formation).

 

Le but est maintenant la performance ponctuelle. (faire bien une opération)

 

b) La pluralité des moyens

Pour savoir-faire ils existent plusieurs moyens, et le choix de la bonne combinaison varie d'une situation à l'autre.

 

Parfois, il est suffisant de disposer d'une bonne documentation, utilisable au moment opportun. (s'informer)

 

Parfois il est incommode ou impossible de faire appel à la documentation et il devient nécessaire d'integrer les connaissances, d'apprendre. (se former)

 

Des autres fois ce n'est que l'expérience , qui établira, progressivement les réflexes nécessaires.

 

Ainsi , l'apprentissage n'est pas la réponse unique au problème du savoir faire. Un environnement de documentation, d'instruction, de simulation peut être la réponse. Ou, peut être, la simplification de la tâche peut s'avérer plus économique que les mesures pour assurer le savoir nécessaire à l'accomplissement de la tâche ancienne !

 

De manière générale , un environnement flexible, capable de "métamorphoser" entre des attitudes de documentation, formation et simulation serait la meilleure réponse pour les besoins de l'entreprise , qui évoluent en rythme soutenu et pas toujours prévisible.

 

Dans des telles solutions "hybrides" ,  l'instrument de formation devra être conçu lié aux autres. C'est une première particularité remarquable.

 

c) La précision et l'unicité du curriculum

Comme je viens de le rappeler, les cours de formation ont des objectifs très précis. Il est rare qu'on dépense pour "accroître la capacité de décision et la créativité".  C'est exactement le contraire de l'éducation scolaire.  Le pragmatisme domine l'espace de motivation. Les restrictions de productivité s'opposent à toute dépense à utilité imprécise et difficilement mesurable. Le cours est moins obligé de stimuler la motivation et d'expliquer les raisons. La motivation est extérieure. Il y a moins d'alternatives à concevoir et offrir, à cause de la précision du savoir-faire à réaliser. Le chemin unique n'est pas exclus. Par contre la voie d'arriver à ce savoir doit être optimalisée. Ce n'est pas un environnement de découverte qu'on cherche mais un efficace "explicateur".

 

Cette précision du curriculum apporte des simplifications de design, mais a aussi un effet prohibitif : la reproductibilité réduite ! Il est peu prévisible que le contenu ponctuel de deux programmes coďncide. D'ailleurs une entreprise veillera à ce que les informations qui la concernent , restent confidentielles.

 

Or, comme toute autre application de l'informatique, un instrument de EAO se justifie économiquement à la lumière de sa reproductibilité. On ne va pas englober le savoir d'un instructeur dans une machine pour que celle-ci soit utilisée une seule fois ! Ici on trouve le principal obstacle contre "l'invasion" des EAO dans les entreprises. Je reviendrai sur ce point dans un article ultérieur.

 

 Pour le moment, observons que le coefficient  de réutilisabilité prévisiblement réduit d'une explication minutieusement élaborée, pourrait constituer un sérieux obstacle et pousser vers des solutions moins articulées , mais plus flexibles (de type base de donnés consultables etc)

 

d) La restriction temporaire et le besoin d'adaptation

Le temps alloué à l'apprentissage peut subir, dans une entreprise, des sérieuses restrictions. La réalité "pousse" et oblige à acquérir l'expertise dans un rythme soutenu. De manière générale, le système d'enseignement est trop lent (inertiel) par rapport aux besoins d'enseignement d'une entreprise en plein fonctionnement. Avant de proposer toute nouvelle alternative , il faut s'assurer qu'elle est opérative dans un laps de temps déterminé. Ni le concepteur, ni l'apprenant n'ont pas trop d'espace de manoeuvre à ce chapitre.

 

Ajoutons à cela le changement continuel dans la fabrication, dans l'organisation , dans l'équipement. On obtient le cadre réel de la formation en entreprise : un permanent régime transitoire. Proposer un instrument "figé", se serait irréaliste.  L'instrument doit , ou pouvoir être conçu rapidement, ou pouvoir être adapté aisément . Pratiquement le curriculum doit être "ouvert", l'environnement doit pouvoir capter la source du savoir en évolution et le distribuer dans un délai réduit.

 

Voilà donc une grosse différence : au lieu d'un ensemble complexe conçu pour une large gamme de manières d'utilisation, bâti longtemps pour une longue utilisation , on nous exige un système simple, à sujet précis, mais dynamique et facile à produire ou mettre à jour.

 

e) Les leviers de motivation

Le problème de la motivation trouve aussi des autres circonstances. Cette fois, ils existent des possibilités d'évaluer l'efficacité du nouveau savoir-faire et par conséquent de l'effort pour l'assurer.

 

L'employeur peut définir précisément ce qu'il attend du cours, il peut calculer le palier au-dessous duquel doit s'encadrer l'instruction pour qu'il y ait accroissement global d'efficacité.

 

 Le problème de la mesure de l'efficacité du cours en soi reste compliqué, si on veut tenir compte de tous les accomplissements cognitifs et de tous les futurs effets productifs de ces changements. Il y a peu d'encouragement à investir de l'effort pour les effets globaux, bien qu'on ne puisse pas nier les effets à long terme. Il est difficile à mesurer l'influence du "savoir faire" sur le "faire", de la  "formation" sur le "savoir-faire", en corrélation avec les autres leviers (expérience, documentation, etc) et en comparaison avec les autres alternatives de formation qu'on aurait pu envisager.

 

Mettre au point des instruments pour estimer l'efficacité de l'instrument d'aide est un projet important, autant pour le bénéficiaire que pour le concepteur.

 

f) La capitalisation de la connaissance.

J'ai mentionné qu'une des défections du système scolaire est l'ambiguďté concernant le client de l'instrument qu'on produit. Qui est notre client :l'élève , l'école, les parents, la société ?

 

Ce problème revient dans le cas de la formation , sous une autre forme:

Qui est le bénéficier de l'instrument de formation?

Le patron? J'ai mentionné plus haut une particularité de l'investissement en formation qui décourage les responsables des entreprises : la "mobilité" incontrôlable de l'investissement. On fait des dépenses pour que les employés gagnent une expertise et performent mieux, dans la même logique que les dépenses pour les biens et les moyens de production. Mais pas avec les mêmes risques. Car, si les employés quittent l'entreprise, ils prennent l'expertise avec eux ... Puis, il faut dépenser pour l'embauche, il faut former des nouvelles expertises. Il faut supporter l'écoulement de l'expertise vers la concurrence qui a engagé l'ancien employé. Une perspective peu attirante. Le patron préférera des autres solutions, et l'automatisation complète (avec les pertes d'emploi en conséquence) est indiscutablement attirante.

 

L'employé ? Il y a des raisons pour considérer que le gain de l'expertise, bien que nécessaire pour l'accomplissement des tâches , a aussi comme bénéficiaire l'employé. En fait, c'est lui qui capitalise le savoir-faire, ce qui lui permet de mieux performer et lui agrandit l'employabilité  en cas de départ. Bien qu'intéressante, la perspective de voir le perfectionnement payé par les employés et prévisiblement utopique.

 

Comment sortir de ce point mort ? Une solution intéressante est de donner au savoir-faire une forme plus facilement (et sécurisant ) capitalisable pour l'employeur. C'est à dire de faire de la sorte que, le résultat de la formation soit matérialisable dans une forme stable. Et c'est ici que les instruments de formation informatisée peuvent représenter un bon placement! Car l'expertise incorporée dans l'instrument, et mise à jour continuellement, peut  constituer plus qu'une source pour la formation : elle peut constituer la mémoire de reférence, la réserve de secours pour le "capital en expertise".

 

Mais pour accomplir une telle fonction, si elle est exigée, l'instrument d'aide doit ajouter à son caractère dynamique, ouvert, une dimension intégrative, de mémoire bien structurée. Il reviendra aux opérateurs humains de le mettre à jour, pour qu'il suive de près l'expertise de l'entreprise. Et on peut déjà s'attendre  à un obstacle significatif : l'expert humain ne sera pas intéressé à soutenir une compétence qui peut lui faire concurrence et lui affaiblir la position. Car , à l'heure actuelle, les effets désagréables du départ d'un employé représentent une sorte de garantie de son emploi. Si'il externalise son expertise au niveau de son "compagnon mis à jour", il devient plus ...remplaçable. D'ailleurs à cette occasion on touche un autre problème spécifique pour l'industrie et restrictif: l'existence des intérêts contradictoires à la propagation de l'information !

 

Bibliographie-8

 

A. Cours, séminaires, démonstrations, tables rondes :

Le cours ETA 6703 : Conception et élaboration de systèmes Multimédia d'apprentissage   - Max Giardina  (hiver 1994)

 Le cours ETA 6745 : "Structure et langage de la technologie éducationnelle.- H. Stolovitch automne 1993

Les présentation de  la vitrine EIF  de CRIM

Les présentations de LICEF - journée porte ouverte Téléuniversité( 24-03 1994)

Les tables rondes avec les représentants de la recherche et de l'industrie (mars 1994)

B. Ressources sur INTERNET :

Listes de discussion par courrier électronique :

 AI-ED (intelligent computer aided instruction) : ai-ed@sun.com

NEWEDU-L (new paradigms in education) : NEWEDU-L@vm.usc.edu

 

Groupes News :

 bit.listserv.edtech

 misc.education.multimedia

 sci.edu

 misc.education.adult

 misc.education.distance

 alt.education.research

 misc.education

 

Archives accessibles par Gopher :

gopher.ed.gov

gs1.gac.peachnet.edu

wave.scar.utoronto.ca

state..virginia.edu

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cico.rice.edu

gopher.unr.edu

 

Publications électroniques (accessibles par gopher)

 EDUPAGE  (ivory.educom.edu)

 Chronicle of higher education (chronicle.merit.edu)

 Education,Research and perspectives (gopher.ecel.uwa.edu.au)

 Journal of Technology Education (borg.lib.vt.edu)

 New horisons in Adult Education (gopher.acs.ohio-state.edu)

 Catalyst (gopher.cic.net)

 Distance Education Online Symposion News (gopher.cic.net)

 EduCom Review (gopher.cic.net)

 Education Policy Analysis Archives (gopher.cic.net)

 Educational Uses of Industrial Technology News (gopher.cic.net)

 GLOSAS News (gopher.cic.net)

 Journal of Extension (gopher.cic.net)

 Viewpoints (gopher.cic.net)

 

Bibliothèques en ligne et bases de donnés ;

 ERIC et ASKERIC  (gopher.ed.gov ou   ericir.syr.edu)

      

C. Articles , périodiques, communications

   "Appel de projets"- 1991 Min. de L'Ens.-Québec

  "Ergonomie de l'écran et de l'interactivité"-M. Cartier (1990)

  "Software evaluation" -Min. of Educ. Canada (1985)

 "Evaluating Interactive Multimedia"- T.C.Reeves

  R. Campell, P.Hanlon "Grapevine" (une application en éducation)

  H. Haaugen " Apprentissage sur un environnement multimédia -un défi éducatif"

  J.Anderson "Intelligent Tutoring and High School Mathematics" ( Conference ITS"92)

  WJ. Clancey Guidon-Manage Revisited: A Socio-Technical Systems Approach"(ITS'92)

  Max Giardina  &co "BIOMEC- modélisation et développement d'un module d'apprentissage intelligent utilisant le vidéodisque interactif" (ITS- juin 1988)

   J. Gecsei, C. Frasson :"Safari : an Environment for Creating Tutoring Systems in Industrial Training "

 

  D. Livres, monographies

  H. Stolovitch, G. La Rocque "Introduction à la technologie de l'instruction" (Maurin '83)

  H Stolovitch & "The Handbook of Human Performence"(1993)

  B. Shneiderman, G Kearsley "Hypertext Hands-on!"(Edison Wesley-1989)

 Roy Rada "Hypertext -from text to expertext" (Mc Graw-Hill -1991)

 W. Kim "introduction to object oriented Databases" (MIT 1991)

 E. Knuth ,LWenger "Visual database systems" (1992)

 Bruce Berra "Distributed multimedia into systems"-1993

 D. Minoli , R. Keinath "Distributed Multimedia Trough Broadband Communications" (Artech House- 1993)

  M. Hodges , R. Sasnet "Multimedia Computing -cases studies from MIT project ATHENA" (Addison Wesley pub. 1993)

C.Dominé: "Techniques de l'intelligence artificielle" (Dunod 1988)

 G. Paquette, A Bergeron "L'intelligence artificielle" (Téléuniversité 1990)

 E. Wenger "Artificial intelligence and tutorial systems"(Morgan Kaufmann pub.'97)

 C Frasson & co "Intelligent tutoring systems"(Springer-Verlag 1992)